Parmi les artistes qui ont fait la légende du cirque, Jean-Baptiste Auriol a une place à part car il peut être considéré comme le premier clown français. Né à Toulouse comme Léotard, (l’inventeur du trapèze volant), issu d’une famille de danseurs de corde, son père avait été clown-sauteur puis directeur du Théâtre du Capitole et sa mère une amazone reconnue. Auriol reçut une formation très complète d’acrobate, de jongleur et de voltigeur équestre. En 1815 il monte à Paris où il s’impose au Cirque Olympique du boulevard du Temple dirigé par Franconi. Sauteur extraordinaire, acrobate exceptionnel, vêtu d’un costume d’arlequin et coiffé d’un petit bonnet à clochettes, petit, un peu replet, mais fait au moule, avec une physionomie intelligente, un masque comique et des gestes pleins de grâce, il faisait admirer, dans ses étonnants et périlleux exercices d'équilibre, une force, une souplesse, une adresse vraiment merveilleuse. Un de ses exercices favoris consistait à poser un certain nombre de bouteilles sur une table, comme des quilles, en marchant dessus, les couchant l'une après l'autre avec son pied jusqu'à la dernière, sur laquelle il se tenait en équilibre, sans les faire tomber par terre, puis les relevant de même et courant légèrement de l'une sur l'autre comme s'il eût été sur le plancher le plus uni. Ou bien encore il arrivait chaussé de petites mules, se plaçant au milieu de la piste, se dégageant de ses mules en faisant un saut périlleux, pour retomber les pieds dedans.
La vogue s'empara du nom d'Auriol, et c'est avec raison que l'on peut dire de lui cet aphorisme latin :
-quid levius pluma ? – pulvis (Quoi de plus léger que la plume ? - la poussière ! )
-quid pulvere ? – ventus (Quoi de plus léger que la poussière ? - le vent ! )
-quid vento ? - Auriol (Quoi de plus léger que le vent ? - Auriol ! )
Théophile Gauthier disait de lui : «c’est le clown le plus spirituel et le plus charmant qu’on puise imaginer. Les singes sont boiteux et manchots à côté d’Auriol ; les lois de la pesanteur paraissent lui être complètement inconnues ; il grimpe comme une mouche le long des parois vernissées d’une haute colonne ; il marcherait contre un plafond, s’il le voulait ; s’il ne vole pas, c’est par coquetterie. Le talent d’Auriol est une merveilleuse souplesse ; il est encyclopédique dans son art ; il est sauteur, jongleur, équilibriste, danseur de corde, écuyer, arteur grotesque et à toutes ces qualités, il joint des forces prodigieuse. C’est un Hercule mignon avec des petits pieds de femmes, des mains et une voix d’enfant. Il est impossible de voir des muscles mieux attachés, un cou plus athlétique, une structure plus légère et plus forte ; le tout surmonté d’une tête jovialement chinoise, dont la seule grimace suffit pour exciter l’hilarité de toute la salle. (Histoire de l’art dramatique en France depuis 25 ans)