Résumé
Hier nous avons fait connaissance avec la jeunesse et les premières années professionnelles de Gustave-Joseph Sosman alias Pipo qui cherche sa voie entre auguste ou blanc
Mais revenons un peu en arrière et voyons ce qu’est devenu Martin, alias Nicky, alias Tony depuis le départ de Pipo pour être le blanc de Rhum.
Martin, fils de Jean Sosman forme désormais avec son épouse Rita un numéro musical qui se produit dans de nombreux music-halls européens. Quelques années plus tard Henny, Jeanne, Giovanna leur fille née en 1929 va participer à l’attraction musicale familiale. Numéro connu sous le nom des 3 Sosman, mais quelques fois annoncé aussi sous l’appellation des Ciotti ou Siotti. Il faut dire que la mère de Martin est une Ciotti, un autre grande nom circassien belge. Martin, sa femme et sa fille vont se produire ainsi au cirque d’hiver de Paris, où ils vont participer à certaines pantomimes Bouglione comme, ”L’Idole de Shangaï” et ”La Perle du Bengale”. Martin interviendra aussi en première partie lors des entrées de Michel et Achille Zavatta.
Présentant en juin 1943 leur numéro au cirque Medrano, la belle Henny va taper dans l’œil d’un spectateur attentif venu tout spécialement écouter le guitariste manouche Django Reinhardt. Cet auditeur n’est autre qu’Alfredo Meschi, un des fils de Dario Meschi, qui est subjugué par cette jeune fille de 17 ans, vêtue d’un frac blanc, aussi bonne danseuse que musicienne et jouant aussi bien du saxophone, du concertina, de la guitare ou du piano. Alfredo (le futur Freddy du Trio Bario) tombe éperdument amoureux de cette belle et grande brune qu’il épousera deux ans plus tard.
Mais en attendant en 1944 le Trio Sosman devient quatuor avec l’arrivée d’une chanteuse, Maria la fille cadette de Martin Sosman. Ce groupe musical va se produire dans les cinémas qui proposent à l’entracte des attractions visuelles comme il était d’usage à cette époque. Henny de son côté se verrait bien en meneuse de revue. Elle se fait embaucher d’ailleurs quelques temps au Moulin Rouge ou au Lido de Paris, ce qui ne plait pas beaucoup à Martin son père qui la fait revenir dans le quatuor familial en invoquant les contrats signés. Ainsi en 1946 Les Sosman passe à l’A.B.C. un music-hall parisien réputé, situé 11, boulevard Poissonnière. L’année suivante Henny rejoint son mari Afredo, son beau-frère Nello et sa belle-sœur Tosca pour former Les Bario Junior qui à cette époque proposent un numéro mélangeant danse, chant et musique (voir blog06/11/2014).
Le duo comique Pipo é Rhum va durer plus d’une dizaine d’années et se produire dans les meilleurs établissements. Rhum et Pipo vont même devenir la référence pour l'art clownesque, où leurs entrées comme ”Le Miroir brisé”, ”La soupe au pois”, ”Hamlet” ou ”Les Tapissiers” vont être considérées comme de véritables chefs d’œuvres de comédie clownesque.
R. L. Dauven dans le chapitre qu’il a consacré à la réédition de ”La Merveilleuse histoire du cirque" indique : ”où Rhum et Pipo avaient-ils pris l’argument des Tapissiers ? On ne sait. Mais leur esprit inventif avait construit sur un canevas tiré de l’observation peut être quotidienne, une mini-comédie satirique à la gloire de la paresse.” Comme on sait Pipo a un goût tout particulier pour observer. Pierre Robert Lévy de son côté aimait rappeler qu’il avait remarqué que ce clown ”se tenait dans la salle dès le début du spectacle. Jaugeant la réaction du public.” Il pouvait ainsi modifier le style de son interprétation, parfois même changer d’entrée au dernier moment. Bref comme bon nombre d’artistes de la piste, Pipo est attentif aux réactions de la salle avant de se produire. Et tout le monde connait cette photographie de François Tueffard où on l’aperçoit entrebâiller le rideau de la ”gardine” afin de ressentir l’atmosphère qui règne dans l’enceinte du cirque avant de faire son entrée.
Séparé de Rhum, en octobre 1951 et, à la demande de Jérôme Medrano il va s’associer avec Béby (1885-1958), l’ancien complice d’Antonet et de Maïss. Ce duo ne va tenir qu’un trimestre tant le caractère des deux hommes était vraiment trop opposé. Beby refusant toute nouvelle entrée quand Pipo cherchait à innover. Il part alors en Hollande où il va être associé avec Armand Miehe. Notons au passage qu’il gardera toute sa vie sa nationalité batave, ses parents étant néerlandais.
Willy Dario se trouvant sans partenaire, son père Dario ayant pris sa retraite, c’est tout naturellement qu’il accepte en 1953 de travailler avec Pipo, dans un premier temps chez Medrano, puis chez Napoléon Rancy. L’année suivante retour sur la piste Montmartroise où ils vont être associés à Charly, qui sera remplacé après une tournée en Hollande par un dénommé Mimile, qui va donner à cette association un autre allant et brillant que Jacques Brice (Charly) n’avait pas. Ainsi nait un trio qui va faire la joie du public du Cirque d’Hiver ou de Pinder (voir blog13/10/2011).
Après s’être séparé, de ses deux complices Pipo va rejoindre un temps le trio des Bario (voir blog06/11/2014) où il retrouve ses cousins Henny et Freddy, associés à l'inénarrable Nello, puis il terminera sa carrière en retrouvant Charly, un auguste un peu lymphatique, qui fit les beaux soirs de Medrano en duo avec Nino ou en trio avec Alex et Simo.
Pipo appréciait profondément son métier ainsi que l'ensemble de l'univers clownesque. Son personnage était celui d'un clown blanc au maquillage facial caractérisé par un unique trait noir horizontal au niveau de son sourcil droit. Pipo c’était aussi un physique et une voix si caractéristique avec un leger accent flamand qui convenait au clown blanc, un peu dominateur qu’il jouait. Son jeu a influencé le personnage du blanc et la dynamique des duos clownesques au cours du XXe siècle. Et plus de Cinquante ans après son décès Pipo reste un des plus représentatifs du titre de clown. Dans Yoyo le film de Pierre Etaix on peut apercevoir quelques instants ce clown blanc de légende.
Cependant à la fin des les années 60 il constatait le déclin de son métier de clown. Bien qu'il accordait une importance certaine à la tradition dans les familles circassiennes et qu'il appréciait son métier, il se mit à douter des possibilités de carrière et de la pérennité des clowns les années à venir et n'encouragea nullement ses fils Philippe et Eddy à suivre cette voie..
A Suivre ....