Je ne sais si ce réalisateur, scénariste, producteur et écrivain français, était un amateur de cirque, rien ne le laisse deviner, par contre Bertrand Tavernier aimait tant le cinéma, qu’il rédigeait régulièrement depuis mai 2005 un blog (https://www.tavernier.blog.sacd.fr/) sur lequel il faisait part de ses commentaires toujours judicieux concernant les DVD ou les Blu-ray qui étaient édités.
Parmi les articles que l’on peut lire ou relire, certains concernaient des œuvres cinématographiques dont une partie de l’action est liée à la piste magique comme par exemple "125 rue de Montmartre" (voir blog09/04/2019), "Lady Paname" (voir blog19/01/2021)....
Je ne me lasse pas de relire l’article que le président de l'Institut Lumière avait rédigé concernant. ”Les Larmes de Clown” (He who gets slapped), film réalisé par Victor Sjöström en 1924, aussi je vous laisse en prendre connaissance.
”LARMES DE CLOWN (HE WHO GETS SLAPPED) chez Bach films, copie correcte. Deuxième film américain de Victor Sjöström rebaptisé Seastrom, après NAME THE MAN pour Samuel Goldwyn, HE WHO GETS SLAPPED est une œuvre noire, très européenne, qui traite de l’humiliation, de l’avilissement, de la bassesse humaine, sujets rarement abordés dans le cinéma américain. Il faut dire que Sjöström et son co-scénariste Carey Wilson adaptent en toute liberté un auteur réputé pour son pessimisme, Leonid Andreïev, écrivain et dramaturge russe, anti-tsariste et anti-bolchevique dont Gorki disait qu’il était « d’une effrayante perspicacité ». Un savant, Paul Baumont, se fait dépouiller de ses recherches et voler sa femme par le baron Regnard, un soi-disant mécène qui l’humilie devant ses confrères de l’Académie des Sciences. Il va se réfugier dans un cirque en devenant clown, invente un numéro où, sans cesse giflé, il est à nouveau humilié mais remporte un triomphe. Il va retomber amoureux d’une belle écuyère (Norma Shearer, juste et gracieuse) et ce sera une nouvelle désillusion. Sjöström domine son sujet avec une incroyable maestria, passant avec une rare fluidité de l’allégorie tragique avec ce clown faisant tourner un ballon qui devient le globe terrestre – lancinant leitmotiv – cette piste aux étoiles symbolisant le monde dans ce qu’il a de plus aveugle, de pire, à des séquences réalistes qu’il traite avec une concision fulgurante : trois plans suffisent pour évoquer l’abjecte muflerie avec laquelle le baron renvoie sa femme, une fermeture à l’iris sur un collier signifie que le père de l’écuyère a vendu sa fille. Le ton du film, décapant, impitoyable, mais empreint de compassion, évoque l’univers d’Ibsen, de Strindberg et on comprend l’admiration que Bergman éprouvait pour Sjöström qu’il fit jouer dans LES FRAISES SAUVAGES et sans doute pour ce film auquel il rend hommage dans LA NUIT DES FORAINS. Interprétation géniale de Lon Chaney. Son plus grand rôle avec L’INCONNU de Todd Browning.”