Frederico Fellini a été fasciné toute sa vie par les arts de la piste. Aussi n’est-il pas étonnant qu’au moins dans trois de ses œuvres le cirque apparaisse. La piste magique est présente très tôt dans ses films, d’abord de manière indirecte avec "Les Feux du Music-hall" en 1950, puis plus explicitement en 1971 dans "La Strada" puis enfin dans une de ses dernières oeuvres "Les Clowns" en 1971 (voir blog13/10/2010), où il filme une sorte de voyage nostalgique à la rencontre des clowns traditionnels et de leurs souvenirs. Cela donne un faux documentaire sur les rapports du cirque et du grotesque, qui a quelques fois bien irrité les circophiles.
Tout autre est "La Strada" (la route), mélodrame psychologique montrant l’existence misérable et indigente vécue par les gens du voyage. Le scénario relate la triste histoire de Gelsomina (Giulietta Masina), une femme enfant naïve et généreuse, vendue par sa mère à un hercule de foire brutal et obtus, Zampano (Anthony Quinn). A bord d'un étrange équipage - une moto à trois roues aménagée en roulotte - le couple sillonne les routes d'Itali en menant la rude et triste vie des forains où Zampano accomplit un numéro de briseur de chaines sur les places publiques. Parallèlement ce dernier ne cesse de rudoyer sa compagne et de la tromper sans vergogne. Elle de son côté s'efforce pourtant de lui complaire avec une touchante obstination. Puis à un moment, surgit Il Matto, autrement dit le fou (Richard Basehart) un violoniste-poète-philosophe-farceur, saltimbanque aussi. Il agace à plaisir le pauvre Zampano et raconte à Gelsomina de très belles et très édifiantes histoires sous forme de paraboles. Exaspéré, Zampano finit un jour par le tuer. Le temps passe... Gelsomina, prostrée, ne peut se consoler de la mort du Fou, aussi Zampano l'abandonne sur la route. Des années plus tard, il apprend sa mort alors, pour la première fois de sa vie, il éclate en sanglots.
Ce film a fondé sa réputation sur l’antithèse de ses personnages, sur la poésie de leurs gestes quotidiens, et sur la dure alternance entre décrépitude et joie de vivre insatiable, ce qui permet de comparer la vie au cirque. Les rôles de scènes s’entremêlent aisément avec ceux des relations entre Gelsomina et Zampano jusqu’à s’étendre sur le troisième personnage, Il Matto, simple clown, seul à posséder un réel sens de l’humour. A en croire Fellini, ce jeu de passe-passe entre la devanture de la scène absurde des clowns et de l’existentialisme du réel s’opère avec grâce sans jamais forcer la continuité du film tout en maintenant cet aspect magique.
Film célèbre non seulement pour ses personnages voire pour son brillant scénario, mais aussi pour les mélodies, qu’un jeune compositeur peu connu à cette époque Nino Rota, a composé et, dont le thème principal joué à la trompette par bon nombre de clowns sur la piste aux étoiles reste depuis un classique musicale des chapiteaux.
#lastrada