Peinture bien connue du grand public, qui a d’ailleurs fait l’objet en 1969 d’un timbre poste gravé par l’artiste Gandon, représente la piste du Cirque Medrano
(voir blog07/04/2011), toile que l’on peut voir à Paris au Musée d’Orsay "Le Cirque" de Georges Seurat a été loin de faire l’unanimité de la critique. Certains trouvaient cette œuvre figée "sans
vie, sans couleurs, sans lumière" d’autres au contraire soulignaient "les heureux effets d’une composition savamment concertée".
Voyons l’analyse que l’on peut faire de cette toile. Deux espaces se juxtaposent : celui de la piste et des
artistes (tout en courbes, en arabesques stylisées et en spirales, en tension dynamique, voire en déséquilibre) et celui des gradins et du public, (rigide, orthogonal, immobile, d'une rigoureuse
géométrie). L'ordre des couleurs obéit aussi à des règles précises: la couleur primordiale, celle de la lumière pure, le blanc, domine la toile. La palette accorde ensuite les trois teintes
fondamentales: le rouge, le jaune et les bleus, modulés en petits traits méthodiques qui font écho au rythme des lignes
Au premier plan de dos, se tient le clown à la tête rouge, directement inspiré des affiches de
l’époque, notamment celles de Jules Chéret. Il témoigne des rapports entre la peinture et la société d’images alors naissante. Au centre le centre de la piste est occupé par une écuyère sur un
cheval blanc et un acrobate. A l’arrière-plan, les gradins sont rythmés par des silhouettes figées des spectateurs dont le chapeau (hauts-de-forme dans les premiers gradins et caloquets de
feutres dans les gradins supérieurs) nous indiquent les classes sociales. La stabilité des lignes verticales et horizontales du fond rééquilibre les courbes et les diagonales du premier plan.
L’harmonie de la composition de cette œuvre fait une place importante à des lignes obliques et serpentines ainsi qu'à la représentation de mouvements rapides. Elles reflètent les théories de
Charles Henry (auteur d'une Introduction à une esthétique scientifique) sur le dynamisme de certains rythmes linéaires et sur leur signification psychologique.
Selon ce savant, la composition qui repose sur des horizontales donne une impression de calme, tandis que les diagonales suggèrent le dynamisme et la gaité sensibles d’ailleurs dans cette
œuvre. La palette, réduite, est d’une luminosité remarquable. Seurat applique ici la théorie
du chimiste Eugène Chevreul sur le contraste simultané des couleurs. L’œil parvient à reconstituer une forme suggérée par la juxtaposition des petites touches de couleurs pures dont le rendu est
plus lumineux que si elles étaient mélangées sur la palette du peintre. D’où ces petits points superposés à sec qui donnent aux pigments solidité et éclat. Cette technique inventée par Seurat est
appelé "pointillisme ou divisionniste" elle est en fait prolongement et une systématisation scientifique des recherches empiriques des impressionnistes.