Le quotidien Le Monde du 1er avril relate l’histoire d’un céréalier installé aux confins de l’Eure et des Yvelines, à la tête d’une belle exploitation familiale et de dettes impressionnantes, qui à la cinquantaine va décider de faire ce qui lui plait depuis longtemps, être clown ou plutôt auguste car aucun maquillage blanc n’apparait sur son visage. Et comme son parcours est peu courant, j’aimerai évoquer aujourd’hui son singulier parcours
Olivier Guitel c’est son nom, tout jeune homme doit reprendre contraint et forcé, étant le seul garçon de la famille, la ferme familiale existant depuis 1640. Mais lui ce que le motive, le fait rêver ce sont les paillettes, la comédie, le cirque. Tout jeune il s’enferme dans le grenier de la ferme familiale pour imiter Achille Zavatta, et rejouer ”La Piste aux étoiles” qu’il regarde le mercredi soir sur la télévision familiale. Créateur au sens le plus large, Olivier Guitel peint aussi, fait de la poterie et de la musique.
En 1989 n’en pouvant plus des hectares, de ses tracteurs et de ses céréales, il s’inscrit pour prendre des cours de comédie auprès de la compagnie du Mantois, à Mantes-la-Jolie, puis ses pas le conduisent à Paris au Centre des arts vivants. Apprécie et bon comédien il est sollicité pour dispenser des formations dans des associations, il monte en parallèle un atelier-théâtre pour les enfants de sa région et répète avec une troupe d’amateurs, qui se produit une dizaine de fois l’an. De novembre à mars, quand la terre ne requiert pas tous ses soins, il consacre cinq soirées par semaine à sa passion, puis la met entre parenthèses au moment des semis et des récoltes, regrettant que les festivals coïncident avec le temps des moissons.
En février 2004 il hante Le Samovar à Bagnolet (voir blog09/10/2020), où il suit à 40 ans son premier stage de clown, mais il lui faut toujours cultiver ses 204 hectares. Alors il se débrouille comme il peut pour mener de front cultures et répétitions. Quand il laboure, il pense à ses spectacles ; quand il joue, il s’inquiète pour ses récoltes.
Deux ans plus tard, avec une voisine, il fonde la compagnie de clowns "Etincelle Bouillasse" et il crée son double au bonnet de polaire grise, Raoul Nitrate, l’agriclownteur. Son premier spectacle, ”Faut k’ça pousse”, joué plus de 500 fois, évoque ce qu’il connaît le mieux : l’attachement (volontaire ou non) à la terre, le déchaînement des éléments naturels, les assauts des banquiers et les diktats de Bruxelles.
En 2012 sonne l’heure des choix, son salarié agricole se fait vieux, ses machines aussi. Ses oncles et tantes paternels le pressent d’acheter les champs qu’il leur loue depuis vingt-cinq ans. Olivier Guitel refuse d’investir et d’embaucher. Les terres qui lui restent, il les confie à un jeune technico-commercial de la coopérative voisine, moyennant salaire. Il ne s’occupe plus que des achats, de la vente des récoltes de blé, d’orge, de colza et de maïs, ainsi que la paperasserie., soit dit-il 10 % de son activité sur l’année. Avec cette organisation il arrive à mener de front sa carrière artistique et son exploitation céréalière.
Mais lorsqu’il revêt le nez rouge et se glisse dans la peau de son personnage Olivier Guitel devient Raoul Nitrate. Un être appliqué et maladroit, ce qui le rend quelque peu gueulard. Laborieux mais à la lisière de la stupidité, ce qui le rend despotique sur les bords. En bon agriclownteur, il sème le désordre et fait pousser la bonne humeur pour récolter des rires.
Une chose est sure, Olivier Guitel joue… du violon, de la scie musicale, des claquettes, jongle et aime créer de belles images sur scène. Destin étonnant non?
Le mieux c'est encore de l'écouter relater son histoire attachante...