La musique est indissociable du spectacle de cirque. Tous les numéros ne travaillent pas sur le même rythme. Le jonglage est mis en valeur par un tempo endiablé genre "La Marche Turque", les éléphants préfèrent une musique genre "Boléro" de Ravel, la trapéziste verra son numéro mieux habillé musicalement par une valse telle "La valse des trapèzistes", et les roulements de la caisse claire annonceront un exercice périlleux, bref la musique est essentielle pour la piste et ses étoiles…
Aussi il est particulièrement décevant aujourd’hui de voir des productions ayant recours à de la musique en conserve, dans un but essentiel: faire des économies. Cette pratique date de la fin des années 70, époque où beaucoup de pistes sont en situation difficile. C'est le cas de Rancy, Jean-Richard, Pinder-Jean-Richard, d'Amar... Les pouvoirs décident alors d'aider financièrement les arts de la piste. Le Ministre de la Culture de l'époque, Jean-Phillipe Lecat, crée un fonds de soutien afin d'aider les cirques à moderniser leurs infrastructures. Certaines enseignes et non des moindres, je pense par exemple à Pinder, décident d'employer ces sommes pour investir dans la sonorisation et vont ainsi faire l'impasse sur l'orchestre, ce qui est une hérésie. En effet avec des airs préalablement enregistrés, ce n'est plus la musique qui met le numéro en valeur. L'artiste doit calquer sa prestation sur la musique, il doit à tout prix la suivre, le cirque perd ainsi son âme.
Avoir un orchestre coûte, mais donne aussi sa vraie dimension aux arts de la piste. D'ailleurs les grandes pistes ne s'y sont pas trompées. Que ce soient Bouglione, Gruss, Knie, Krone ou Roncalli tous continuent d’habiller leurs spectacles par de la musique, jouée en direct par un orchestre et sous la direction d’un chef qui a la particularité d’avoir à la fois un œil sur sa partition mais aussi un sur la piste, afin que la musique jouée reflète parfaitement la prestation et la personnalité de l’artiste présent sur la piste.
Au début du XX° siècle, Raymond Brunel, Paul Elie et Daneels Florimond puis dans la seconde partie, Adrien Terme, Bernard Hilda, Fred Adison, Jack Jay et Carmino d’Angelo furent des compositeurs féconds. A part ces 8 maestros, peu sont ceux d’hier ou d’aujourd’hui qui ont connu une réelle notoriété, car le chef d'orchestre doit rester discret. C'est l’artiste qui est sous les feux des projecteurs et non l’orchestre. Et même si ce dernier par deux fois est mis en valeur, au début de chaque partie, en jouant à chaque fois un air généralement reconnu comme ”Vive le Cirque” indicatif de la Piste aux Etoiles ou la célèbre ”Entrée des gladiateurs”, la musique doit etre au service du spectacle et non le contraire
Une exception à cette règle de discrétion, l’orchestre dirigé par Fred Adison (voir blog14/06/2018), qui a pendant 12 ans dynamisé les programmes chez Pinder. Selon les vœux de Charles Spiessert cette formation devait renouveler le spectacle en rompant avec les flonflons d’harmonies municipales. Le patron du cirque Pinder désirait un véritable et excellent orchestre où les musiciens seraient disposés sur trois niveaux sans fausses notes, ce qui n’était pas toujours le cas avec les ”tchecos” qui une fois le chapiteau monté se transformaient en musiciens un peu poussifs et amateurs de couacs.
La musique de cirque un art à découvrir ou redécouvrir