En préambule, car on le ressent depuis de longues années, le cirque de demain sera à coup sûr triste. Aucun comique à l’horizon lors de cette édition. D’ailleurs dans son édito, Alain M. Pacherie (voir blog17/04/2013) le souligne en indiquant que: "nous observons la raréfaction constante de numéro comique." Non seulement le cirque de demain que nous concocte les écoles de cirque ne sera pas joyeux mais il a une tendance de plus en plus affirmée de flirter avec le monde macabre et sinistre des films d'horreur et gothiques de Tom Burton.
Le cirque de demain sera aussi acrobatique. Les animaux qui n’étaient pas bannis lors des premières éditions de cette manifestation créée par Dominique Mauclair (voir blogs 14/01/2014 & 31/01/2017) sont depuis de nombreuses années complètement snobés, pour présenter un spectacle politiquement correct les protégeant de toute exploitation, mais aussi les oubliant pour des raisons purement économiques. Ne pensez-vous pas qu’un numéro de diabolo coûte bien moins cher qu’un numéro avec artistes à quatre pattes ?
En effet ce cirque sans clown ni écuyère est un spectacle qui s’est coupé de ses racines. C’est un peu comme si à l’opéra les ténors et sopranos avaient laissé la place aux mimes et aux conteurs. Mais ne nous méprenons pas, nous ne sommes pas contre une évolution, le cirque l’a toujours fait et doit le faire. D’ailleurs à ses débuts, le cirque était un spectacle muet et équestre. Les fauves ne faisant leur apparition que bien plus tard, à l’époque où les nations européennes avaient décidé de coloniser l’Afrique. Quant au trapèze volant il n’a vu le jour avec Léotard (voir blog01/05/2012) un certain 30 novembre 1859. Non ce qu’on déplore de nos jours c’est que certaines disciplines sont totalement oubliées ou rarement présentes, appauvrissant ainsi les arts de la piste.
Par contre certains numéros sont plus que présents. Par exemple lors de la 41ème édition nous avons vu pas moins de 5 numéros de jonglage et 4 prestations utilisant les sangles aériennes, par contre pas de cycle, d’échelle, de bambou aérien, de trapèze washington, de balançoire russe, de mât chinois ou que sais-je encore. Oui le cirque de demain s’appauvrit et c’est dommage, car c’est justement la diversité des numéros, l’esthétisme mêlé à la performance technique ainsi que l’indispensable contact avec le public qui font la beauté et la grandeur des arts de la piste.
Disons-le tout net, le millésime 2020 était d’un bon cru, même si cette année on a eu le droit au contestataire de service avec notamment la pitoyable démonstration du français Erwan Tarlet qui a tout bonnement refusé samedi soir d’exécuter son numéro pensant ainsi défendre on ne sait quelle pensée politique, oubliant qu’il se trouvait, au mépris total des spectateurs, un des éléments composant ce spectacle.
Le palmarès cette année est comme toujours, un savant dosage entre trouvailles et hautes techniques et a permis de récompenser, ce qui n’est pas monnaie courante, six artistes français, aussi ne boudons pas notre plaisir.
2 Médailles d’Or :
Célien et Nicolas, formés aux écoles de cirque de Châtellerault et de Montréal, ont présenté un éblouissant double numéro de trapèze à grand ballant,
Martin Richard associé au danois Johannes Holm Veje, tous deux formés au C.N.A.C. de Chalons-en Champagne (voir blog02/05/2011) ont proposé un étonnant numéro foutoire au portique coréen où ils ont su mêler technique et humour.
2 Médailles d’Argent :
Tom Lacoste, élève de l’école du cirque de Bordeaux et du centre régional des arts du cirque de Lomme qui, sur une musique du compositeur Pierre Henry, a tout bonnement donné une autre dimension au diabolo, faisant fi de ce que nous avons vu depuis des années. Cet artiste qui en combinant intelligence, création et technique, a proposé un sublime numéro jouant sur les échecs et les bourdes.
Théo & Lucas Enriquez, diplômés de l’école supérieure des Arts du cirque de Bruxelles, ont imaginé un numéro acrobatique inclassable où ils enchaînent à un rythme incroyable un assemblage hétéroclite de portés acrobatiques diverses montrant aussi une grande imagination et une grande créativité.
Un petit coup de cœur pour la jeune artiste ukrainienne Valeriia Davidenko (Médaille d’Argent), qui a 15 ans possède une fraicheur et une maîtrise incroyables en présentant moult et audacieux équilibres sur mains.
Un numéro bien que récompensé ne nous semble pas très cirque, nous voulons parler de cette chorégraphie intéressante au demeurant, proposée par Francesca Hyde & Laura Stokes. Si les numéros de suspension capillaire existent depuis fort longtemps au cirque, ils étaient à la base utilisés, pour permettre à l’artiste de s’élever dans les airs, jambes et bras libérés pour effectuer un numéro aérien. Ici ces 2 artistes emploient cette technique essentiellement pour rester sur la piste et comme contrepoids. Ce numéro relève plus de la danse que des arts de la piste, mais il a plu et les artistes irlando-germaniques se sont vues octroyer une Médaille d’Argent.
Deux déceptions de la part d’artistes asiatiques et nous sommes étonnés qu’ils aient été même sélectionnés. Le premier Luminous-J by Jugglers’ Vision (Prix spécial du jury) numéro en lumière noir présenté par 8 japonais ne vaut que pour sa mise en scène lumineuse utilisant essentiellement toutes les possibilités que donnent les laids aujourd’hui.
Autre désillusion, la Troupe Municipale de Guangzhou, dans la réalité il s’agit d’un seul artiste qui sur un fil souple, fait un copier-coller du numéro qu’un jeune prodige Zang Fan (voir blog30/01/2015), avait présenté au cirque d’hiver en 2003 lors de la 24ème édition. Tout ce que cette troupe chinoise propose est parfait mais nullement original et nous sommes étonnés que cette troupe soit repartie avec le prix du Président de la République et du Grand Prix.
Mais il faut bien récompenser les chinois sinon ils ne reviennent plus parait-il !
Pour terminer revenons sur cet ovni qu’est ce Grand Prix (voir blog05/02/2019) que les organisateurs ont eu la curieuse idée de créer en 2019.
Dans la symbolique l’or le plus précieux des métaux, représente la perfection absolue, la lumière céleste, l’argent la protection, la richesse, le pouvoir mais aussi la cupidité. Quant au bronze il suggère le savoir-faire, le pouvoir militaire.
En revanche que représente dans la mémoire collective un grand prix ? Au mieux une course hippique (un comble pour un spectacle qui se veut sans animaux), une course automobile (un non-sens pour une entreprise qui se dit respectueuse de l’environnement). Oui ce Grand Prix est manifestement une erreur, une faute de gout même, il ne représente rien.
Enfin jamais les créateurs de cette manifestation, qui en proposant ce festival voulaient en faire l’équivalent des Jeux Olympique pour les circassiens, n'ont souhaité la doter d'un Grand prix, d’où ces médaille d’Or, d’Argent et de Bronze.
Enfin signalons que Corinne Trottier-Daigne la voltigeuse du Trio Tribarre, suite à la chute qu’elle a faite lors du spectacle de jeudi soir, va bien. Elle sera, avec Philibert Dallaire et Marc Le Bourdon ses porteurs, réinvitée pour présenter avec eux son numéro de barre russe pour la 42ème édition.