Quand on évoque la discipline qu’est la contorsion, les plus anciens circophiles pensent immédiatement à l’américain Chester Kingston et sa boite à thé ou à la brune Miss Dora et son cube, par contre et c’est bien normal les plus jeunes penchent plutôt pour la splendide éthiopienne Rich Metiku ou la juvénile américaine Jordan McKnights (voir blog11/06/2017)qui toutes deux nous fascinent par la malléabilité de leur corps.l
Mais dans les années trente, une troublante danseuse acrobatique américaine du nom de Barbara La May, au corps fluide et à la chevelure blonde, fut une des plus célèbres représentantes de l'art de la contorsion. Et même si son numéro semblait plus du domaine du music-hall que de la piste, certains directeurs de cirque tels Gaston Desprez (voir blog25/03/2012) ou Jérôme Medrano (voir blog16/10/2011), ne s’y sont pas trompés en ne cessant de la mettre à leur programme tant sa présence fascinait les spectateurs.
En 1932 dans le programme papier de la tournée du "Medrano construction" Ferdinand Pailhon, le concessionnaire de la publicité de ce cirque la présentait ainsi : "Barbara La May est une danseuse extraordinaire, elle est déconcertante, douée d’une des plus belles apparences physiques qui soient, cette jolie américaine aux formes impeccables semble prendre plaisir à les déformer, c’est sans doute pour nous faire apprécier avec plus d’intensité leur impeccable ligne." Il poursuit toujours sous le charme de l’artiste, "danseuse elle l’est et des plus souples, c’est même de l’acrobatie disciplinée jusqu’à devenir gracieuse dans la plus fantastique dislocation. Danseuse blonde et souple comme un serpent, Barbara La May est arrivée par un long et pénible travail de culture acrobatique à devenir une danseuse de cirque, c’est une artiste dans l’acception du mot qui mérite l’accueil que lui réserve la piste."
Medrano l’a mise plusieurs fois à son programme. En 1936 du 3 au 29 janvier sur la piste du cirque du Bd. Rochechouart, cours du spectacle intitulé "Rhum à Rome" (voir blog11/12/2015), elle jouait la belle captive à qui il arrivait bien entendu tous les malheurs du monde. Du 10 au 22 février 1940 elle s’est produite de nouveau sur cette piste. Et en 1943 elle foula la piste du "Nouveau Cirque des Champs Elysées " dirigé par Albert Rancy (voir blog22/09/2011).
Les chroniqueurs de l’époque se demandaient même, comment un corp si délicat et si fragile ne se brisait pas, tant elle le ployait, le disloquait ou le désarticulait à volonté. Tristan Rémy, grand circophile devant l'éternel la décrivait ainsi, Barbara La May "dans des exercices d'une incroyable rareté, était la déesse de la forme et du mouvement, charnelle et idéale à la fois, l'ivresse incarnée des errants, pleine de contrastes de toute sorte".
Barbara La May fut une acrobate étonnante de souplesse et d'agilité, toujours radieuse et souriante. Mais n'est-ce pas justement cela la définition de l’artiste de cirque: masquer la difficulté par le sourire ?