Né en 1792 en pleine période révolutionnaire Louis Dejean n’avait rien au départ pour devenir directeur de cirques. Mais grâce à son sens des affaires, à son flair pour saisir les opportunités et aux aléas de l’histoire, ce simple garçon boucher a réussi à bâtir un empire dans le monde du spectacle et à porter au XIX° le cirque français au pinacle.
Son épopée commence en 1811 par une faillite ; celle de son patron. Le jeune Louis, il est alors âgé de 19 ans, rachète l’affaire puis à 27 ans à la tête d’un joli pécule il décide de se lancer dans les affaires. Dans un premier temps il achète à Paris un terrain situé faubourg du Temple, terrain sur lequel se trouve le Cirque Olympique des Franconi. Puis 7 ans après il fait l’acquisition de cette salle de spectacles au bord du dépôt de bilan. Ne connaissant pas le milieu de la piste Louis Dejean s’entoure de deux spécialistes, Adolphe Franconi et Ferdinand Laloue qui connaissent parfaitement la gestion de ce genre d’établissement en leur promettant à chacun, en cas de succès le tiers des bénéfices. Inutile de préciser que Franconi et Laloue s’investissent complètement dans cette entreprise et que le résultat est au bout.
L’époque où vit Dejean avec l’arrivée de Louis-Philippe sur le trône de France est celle du faste et des distractions mondaines. Aussi le Roi accorde à Dejean l’autorisation de dresser au carré Marigny un chapiteau, qui se transformera rapidement en cirque en planches. Puis dans le cadre des transformations de Paris, Dejean demande à l’architecte Jacques-Ignace Hittorf de construire un cirque en pierres, qui selon les aléas des régimes politiques se nommera cirque des Champs-Elysées, cirque de l’Impératrice, cirque National, ou cirque d’Eté (voir blog23/02/2011). Mais Louis Dejean ne se contente pas de gérer 2 cirques (Olympique l’hiver et Champs-Elysées l’été) il veut des programmes fastueux et marquants. Ainsi l’orchestre de ses cirques ne compte pas moins de 40 musiciens, les meilleures écuyères (Caroline Loyo, Pauline Cuzent, Virginie Kenebel…) sont conviées sur ses pistes ainsi que les artistes les plus réputés : le clown Jean-Baptiste Auriol (voir blog30/04/2012) ou l’écuyer François Baucher (voir13/03/2012)... Toutes et tous sont pensionnaires généralement pour une année chez Dejean car en plus il organise des tournées en Europe. Et même à Berlin où sa troupe obtient un triomphe il fait construire le premier cirque en dur, qui sera quelques années plus tard repris par son grand rival outre-Rhin, Ernst Renz.
Enfin le 18 décembre 1851, Louis Dejean, directeur du cirque d’été il a revendu l’Olympique, obtient de la part du duc de Morny, le ministre de l’intérieur, l’autorisation d’implanter à Paris rue Amelot un nouveau cirque d’hiver, qui sera inauguré par l’Empereur Napoléon III en personne 11 décembre 1852. A cette époque cette salle de 4 000 places est baptisée Cirque Napoléon. Il faut bien glorifier le pouvoir en place ! Le futur Cirque d’Hiver de Paris (voir blog25/02/2011) est construit selon les plans de Jacques Ignace Hittorff déjà architecte du cirque d’été. Et c’est dans cette salle temple de l’art équestre et des pantomimes patriotiques que se produit en 1859 un jeune trapéziste toulousain, Jules Léotard (voir blog01/05/2012) inventeur du trapèze volant.
Jusqu’à 84 ans Louis Dejean proposera dans ces cirques les programmes les plus riches, avec les artistes les plus célèbres accompagnés par des orchestres symphoniques. En 1876 il se retire et laissent ses salles aux Franconi, qui à leur tour écriront le deuxième chapitre de l’histoire du Cirque d’Hiver de Paris.
Louis Dejean décède le 12 octobre 1879 et laisse l’image d’un directeur de cirques ayant porté au plus haut le nom du cirque français.