Curieuse histoire que celle de cette jeune femme, née de père inconnu et qui n'était pas du tout issue du milieu du Cirque, mais qui mariée à l'âge de vingt ans, à Maurice Delagrange ex acrobate aérien de la troupe des Algévol et reconverti en professeur de gymnastique, devient après avoir tâté de nombreux agrès (anneaux, trapèze …) et un entrainement intensif une reine de la corde lisse. Corde, pour la petite histoire, qu’elle tressait elle-même en utilisant des cordages en coton ce qui la rendait à la fois plus douce mais aussi plus souple et résistante. Point non négligeable, sa corde était accrochée à un quinzaine de mètres à une perche ce qui lui permettait d’évoluer sur deux agrès en même temps et de proposer des figures encore jamais proposées.
C’est au Cirque d’Hiver en 1934 repris depuis peu de temps par les frères Bouglione qu’elle débuta sa carrière de déesse de la piste en subjuguant au passage les connaisseurs comme Gustave Fréjaville qui écrivait : "Chrisis de la Grange a fait un chef d’œuvre de grâce, nette et précise d’harmonie corporelle, de pureté juvénile." ou Henri Thétard (voir blog29/03/2013) qui encore plus élogieux indiquait "un numéro de cirque absolument parfait sous quelques angle qu’on observe, dépouillé de toute vaine fioriture, d’une admirable et intégrale pureté. " De plus d’une grande beauté elle est accueillie à l’Alcazar de Paris ou au cabaret Tabarin où elle se produisait seins nus (voir blog21/09/2013) vêtue d’un seul slip étoilé.
Ceux qui l’ont vu se souviennent de ses montées en équerre départ assis. Le public ne s'y trompait pas, lui faisant à chaque apparition un triomphe. On la réclamait partout et les triomphes ne l'avaient jamais grisée. Elle se produisit dans les music-halls les plus prestigieux (Radio-city de New-York, International Casino de Broadway) ou sur la plus belles pistes du monde chez les frères Ringling aux Etats unis, ou en France chez Houcke au cirque d’Amiens, à Médrano par 2 fois en 40 et 41, au Nouveau Cirque des Champs-Elysées en 1943, au cirque des Cirques des frères Amar (voir blog08/11/2010).
Elle fait ses adieux en 1955 sur la piste de ses débuts, le Cirque d’hiver, avant de se retirer dans l’Yonne où elle dans un premier temps elle va élever des poules. Puis avec son mari le célèbre écuyer José Moser, ils vont monter à Sens un club hippique où elle va vivre jusqu’en 1992, année de son décès.
Chrisis de la Grange reste dans le mémoires de ceux qui ont vu son numéro, une des plus extraordinaires gymnases aériennes, réalisant avec force, grâce et beauté un festival d’élévations en équerre, de planches roulées, de descentes en ange ou en piqué...
Pour la petite histoire son petit secret, lors de ses entraînements elle liait des haltères de deux kilos à chaque cheville, ce qui lui permettait en spectacle d'avoir cet air si décontracté que le public appréciait.