Pour l’édition de 2015, l’Association organisatrice a cru bien faire de privilégier l’exploit sportif et a complètement oublié que le cirque reste un mélange de grâce, d’émotion, de risque, de nouveauté et de rire. Et si ce Festival a souhaité dès le début proposer un spectacle sans animaux, c’est-à-dire plus proche du cabaret que la piste ronde ; dans le passé les clowns, excentriques et autre burlesques ont toujours été présents. N’oublions pas et pour prendre quelques exemples que David Shiner (1984), Peter Shub (1986), Andrei Jigalov (1992), Housch-Ma-Husch (2005), les Starbugs (2008), I Baccala (2009) et autres Petit-Gougou (1981) sont des médaillés d’éditions précédentes. Et même l’année dernière en 2014, La Cie Betticombo a fait sourire le public en utilisant de simples seaux blancs en plastique. Alors où sont les trophées Annie Fratellini, Youri Nikouline qui récompensaient les clowns, ainsi que le trophée George Carl pour les excentriques et les burlesques? Notre siècle cultive particulièrement la sinistrose aussi pour coller à l’époque le rire ne semble plus de mise au Festival Mondial du Cirque de Demain. Et le seul pitre dorénavant, est son Excellence, toujours excellent et caustique, Calixte de Nigremont qui depuis une dizaine d’années est le Concepteur de Joyeusetés en M. Loyal déjanté.
Autre sujet qui exaspère, la perfection mécanique et sportive, plus proche d’une compétition de gymnastique sportive que du cirque, que les artistes du l’Empire du Milieu nous assènent depuis plusieurs années. Ah ! au point de vue sportif c’est parfait, mais il manque l’essentiel l’émotion et la grâce. Et certains artistes chinois croient qu’en présentant le numéro en string ils vont donner de la beauté à leur prestation. Ils se trompent, témoins mes voisines qui tout au long de la prestation, donné sur un hideux podium métallique, pouffaient de rire devant cette tenue vestimentaire plus proche du Lido ou du Crazy-Horse que du cirque.
Enfin point récurrent et qui irrite. Au Cirque Phénix à part certaines places, la vision n’est pas toujours excellente. Déjà dans un passé pas si lointain, les caméras de télévision avaient tendance à obturer la vue à certains endroits. A ce jour certaines places frontales dans le carré prestige donnent une vue parcellaire de la scène, et hier samedi 31 janvier au premier rang en Loge 19 pour le spectacle B et en Loge 17 pour le spectacle A, la vision était souvent entravée par un technicien chinois ou par un projecteur qui pivotait sans arrêt. De plus le numéro de main à main de la Troupe Acrobatique de Guangdong était totalement invisible de la Loge 19. En effet une sorte de prou de bateau ou de gondole, on voyait mal, du pied d’estale qui servait aux artistes pour présenter leur prestation a totalement fermé le champ de vision des occupants de cette Loge. C’est dommage car d’après la vigueur des applaudissements, le numéro avait l’air de valoir le coup d’œil.
Alors quels numéros retenir de ce Festival, et il faut le dire ils sont nombreux. Un jongleur français envoie de l'argile en l'air et façonne ses balles à mesure de sa prestation. Un Breton, contorsionniste et danseur fascine malgré le dépouillement de son numéro. Un couple utilisant une roue Cyr présente des équilibres originaux, un autre couple russo-ukrainien pactise avec une corde verticale, un troisième couple ukrainien à 100% présente un numéro de main à main. Des danseurs de rue japonais, un équilibriste allemand sur cannes, un quatuor international présentant un numéro de porteurs parallèles, des vélo-acrobates allemands, un élégant jongleur russe, un confrère suédois utilisant des massues aimantées. Deux américains : un maître es diabolos, parrainé certainement par Décatlon tant sa tenue était digne de cette marque sportive et, un acrobate du même pays hésitant entre les sangles aériennes et la roue Cyr.
Nous avons gardé le meilleur pour la fin et c’est certainement parmi cette liste que devraient se trouver les médailles 2015. Deux éthiopiens aux sourires contagieux qui présentent un prodigieux numéro de main à main, deux canadiens proposant un ballet aérien aux sangles aériennes, un colombien et une uruguayenne dans un autre numéro de sangles aériennes avec des portés à couper le souffle, et deux souriants suédois proposant de fantastiques sauts périlleux à l'aide d'une planche coréenne.
Alors attendons le choix du jury, qui comprendra forcément des Chinois car on récompense toujours l’artiste de l’Empire Céleste au Festival Mondial du Cirque de Demain, c'est une tradition et une tradition ça se respecte!