La Pelouse de Reuilly (voir blog25/06/2018) semble cette année bien triste. Les installations du cirque Pinder sont toujours présentes, mais ce cirque en dépôt de bilan (voir blogs 7 & 12/05/2018) ne tourne plus qu’au ralenti. Son spectacle "Les nouvelles étoiles du cirque" n’est plus présenté que les samedis et dimanches. L’actuelle production est bien entendu sans animaux car, un spectacle sans "artistes à quatre pattes" est non seulement moins coûteux mais aussi beaucoup moins contraignant. Quant à Frédéric Edelstein, (voir blog12/04/2013) le dompteur maison, il fait dorénavant et depuis quelques semaines, le bonheur du Cirque Médrano.
Heureusement il reste une autre enseigne pour rendre vie à cet espace, le cirque Phénix. Mais en entrant sous la toile de cet établissement on remarque que la crise qui touche les arts de la piste est ici aussi bien présente. Le chapiteau est loin de faire le plein. Un tiers des places restent inoccupées. Et pour que cela soit moins visible, les fauteuils restés vides sont occultés par des rideaux ou des tentures. Il faut dire que ce chapiteau avec ses 5 500 places se dit le plus grand du monde.
Pour la huitième fois le cirque Phénix invite "Les Etoiles du Cirque de Pékin" avec cette année 40 jeunes artistes venant pour la plupart d’une école circassienne de Shanghai. La moyenne d’âge est de 20 ans, allant de 16 à 28 ans, dixit Alain Pacherie (voir blog17/04/2013) qui depuis quelques temps est devenu une sorte de M. Loyal, présentant au préalable les spectacles qu’il a concocté pour la plus grande joie des fans ou plutôt des groupies de la Phénix Family. Et chaque année ils ne manqueraient pour rien au monde la nouvelle production maison, qu’ils accompagnent de moult bravos et d’une ambiance qui parfois fait penser au concert de rock.
Mais revenons-en au spectacle qui cette année propose, selon certains médias une production où s’invitent rien de moins que la perfection, les records et le jamais-vu. Nous n’emploierions pas ces superlatifs pour qualifier "Le Roi des singes" production originale et acrobatique avec deux numéros qui sortent vraiment du lot, les antipodistes aux ombrelles (A l’ombre du Lotus) et les équilibres sur tête (On marche sur la tête). Deux prestations récompensées lors du 38ème Festival du Cirque de Demain et qui laissent le spectateur sans voix et pantois. Il faut ces artistes pour y croire tant les figures proposées semblent du domaine de l’impossible ou de l'irréel.
Six autres numéros, des classiques de l’acrobatie chinoise frisent la perfection : les assiettes tournantes (gastronomie clownesque), le jonglage de chapeaux (Chapeau bas), les diabolos (Sino diabolo), les contorsions avec équilibres de verres (Pagode de cristal), la jonglerie avec des assiettes (Petites filles aux assiettes) et les sauts à travers des cerceaux (l’envolée aux cerceaux).
Ce très haut niveau de qualité et de technicité nous montre que le théâtre acrobatique chinois, à la différence des cirques européens et américains constamment à la recherche de techniques nouvelles, a choisi une autre voie, celle d’améliorer sans cesse la tradition acrobatique millénaire chinoise, forte de plus de deux cents spécialités différentes.
Complètent "Le Roi des singes" un charivari d’acrobates, de l’acrobatie avec lasso, des numéros de main à main ou d’équilibre sur cannes flexibles. Deux jeunes artistes nous proposent une belle prestation aux tissus aériens où malheureusement la sensualité entre la femme et l’homme est peu présente.
Enfin n’oublions le numéro d’équilibres sur chaises où dans un final audacieux, une jeune femme fait chuter les briques sur lesquelles elle se tenait préalablement, tout en maintenant son équilibre sur son seul bras droit, assurément un grand moment.
Comme les années précédentes les lumières mises au point par Antonio de Carvalho habillent avec splendeur et majesté chaque numéro. Néanmoins toute cette accumulation de savoir ancestral, toute cette technique acrobatique frisant la perfection, servies par une musique malheureusement en conserve oublient les éléments nécessaires aux art de la piste à savoir, la diversité, la joie de vivre, l’émotion partagée et la communication avec le public. Seuls deux numéros : les assiettes tournantes et les sauts à travers les cerceaux font avec bonheur réagir les spectateurs !
Certains vont trouver que je suis sévère mais c’est la diversité des numéros et non l’accumulation d’un type de prestations qui fait la richesse du cirque et, José Batista do Rego, le clown officiel du Cirque Phénix (voir blog12/10/2017) fait ici cruellement défaut. C'est dommage il aurait à coup sûr donné des moments de folies à ce spectacle un peu trop sage.