Voici un incontournable de la piste, l’écuyère à panneau, numéro créé d’après la légende par les épouses d’Henri et Laurent Franconi, les fils du créateur du cirque français : Antonio Franconi (voir blog08/06/15).
Ce "plus beau symbole du cirque" selon Alexis Gruss fut souvent immortalisé picturalement notamment par Henri de Toulouse-Lautrec (voir blog17/03/11) Georges Seurat (voir blog11/04/13) ou François Flameng (voir blog22/12/17). Pour les non-initiés rappelons que le panneau, imaginé en 1849 par l’écuyer James Morton, est une large selle plate qui sert de support aux figures que souhaite exécuter l'artiste et qui est incliné vers le centre de la piste .
A la fin du XIX° siècle et début du XX° l’écuyère à panneau était un classique obligatoire qui avait sa place dans bon nombre de programmes et dont la mise en piste était immuable. On voyait ainsi l’écuyère juchée sur le panneau crever des cerceaux en papier (nommés ballons dans le langage circassien) en envoyant des baisers au public,. Puis un Auguste entrait en piste un bouquet de fleurs à la main, pour le donner à la belle qui entre temps s’était assise. L’amoureux transi lui disait qu’elle est "la plou zolie damoizelle qu’il n’a jamais vou". Sur ces belles paroles le Maître de piste, interrompant la déclaration de l’Auguste, faisait claquer sa chambrière. La belle se remettait debout, talons joints sur la coupe du cheval au galop, proposant encore quelques entrechats plus ou moins acrobatiques puis regagnait les coulisses.
A bien y regarder on trouve dans l’huile de Jean Dufy (voir blog09/02/14) une toile de 33 sur 24, tous les ingrédients composant ce numéro. L’écuyère est en équilibre sur son panneau, pendant que son cheval se cabre. On distingue aussi à gauche le Maître de piste, et en bas à droite un clown. L’établissement dans lequel ce numéro est brossé est le cirque Medrano, bien reconnaissable à ses frises en arcs de cercle décorant le pourtour supérieur et assurant un lien entre le toit et la coupole. Jean Duffy a représenté partiellement en haut, et sur la partie gauche ces arcades et à la suite de cette décoration on aperçoit une partie de l’orchestre qui se trouve au-dessus de la gardine, le rideau séparant les coulisses de la piste.
Cette toile n’est pas la seule que Jean Dufy ait peinte ayant pour sujet l’écuyère à panneau. Dans les années 50 il est revenu plusieurs fois sur ce thème qui lui est cher avec une écuyère qui a modifié son vêtement, le tutu romantique et classique ayant fait place à des costumes plus modernes.
Jean Dufy, un connaisseur de la piste, avait comme amis les Fratellini (voir blog18/05/15), Porto (voir blog14/04/13), Rhum (voir blog23/04/11), Zavatta (voir blog17/05/15) ainsi que le dompteur et chef de piste Trünk et dont on retrouve leurs silhouettes dans certaines de ses toiles.