Septième d’une famille de onze enfants, dont un de ses frères ainés n’est autre que le peintre Raoul Duffy, Jean Dufy est né au havre en 1888 d’un père comptable et musicien amateur talentueux. Après son service militaire, le jeune Dufy s'installe à Paris où deux événements de la vie culturelle parisienne de l’après-guerre vont le marquer profondément. Il s’agit de la comédie “Le Bœuf sur le toit” qui lui donne l’occasion de rencontrer les musiciens de l’époque, ainsi que “La Revue Nègre” qui détermine dans son œuvre l’alliance du chromatisme et de la musique.
Professionnellement à partir de 1916 et pendant plus de trente ans, Jean Dufy réalisera, pour la porcelaine Théodore Haviland de Limoges des décors (nature florale et animale) qui lui vaudront, lors de l’Exposition Internationale des Arts Décoratifs en 1925, une médaille d’or pour le service “ Châteaux de France”. C’est aussi, à la même époque, que les frères Fratellini, véritables stars de la piste font venir au cirque leurs nombreux admirateurs parmi lesquels se trouvent Marquet, Derain, Picasso, Matisse… qui y trouveront une source de création. Jean Dufy est de ceux-là et il va réaliser de 1920 à 1950 une palanquée de peintures sur le cirque où s’entrechoquent la couleur-musique, la couleur-langage, les jeux de lumière. Spectateur assidu du Cirque Médrano (voir blog07/04/2011) ou du cirque d’hiver époque Desprez (voir blog25/03/2012) il va concevoir une oeuvre riche et singulière, méconnue et peu montrée où l’artiste peint la mélancolie naturelle qui sous-tend l’univers des saltimbanques.
Artiste à la palette riche et changeante, sa peinture circassienne montre le bruit et le silence, la lumière et l’ombre. Jean Dufy n’a pas peint comme les sœurs Vesque (voir blog07/003/2011) le spectacle de cirque mais plutôt des impressions ressenties et où il est souvent bien difficile de nommer l’artiste peint sur la toile, tant il les mélange, les additionne aux grès de ses inspirations. Pourtant en dépit du manque de reconnaissance de tel clown, de tel cavalier ou de telle écuyère le plaisir est ailleurs. Il se trouve dans l’atmosphère qu’il a su recréer d’une époque aujourd’hui révolue et dans le spectacle qu’il suggère. Dans son œuvre circassienne Jean Dufy s’est principalement attachée à peindre les clowns, les acrobates et les écuyères par contre les animaux sont absents à part les chevaux et la cavalerie.
Les deux frères Dufy ont produit chacun une œuvre considérable de plus de 2 500 pièces, Raoul a commencé plus tôt sa carrière artistique et Jean commence à peindre en 1920. Tous les deux croquent alors la mer, les vues des fenêtres de leurs ateliers. Raoul traite de la musique et Jean du cirque. Artiste renommé Jean Dufy est présent dans les collections des plus prestigieux musées américains : Art Institute of Chicago ou MoMA de New York.
Pascal Jacob (voir blog18/12/2013) a fait paraître en 2012 aux “Editions Magellan et Cie” un splendide ouvrage sur la période circassienne de ce peintre aux couleurs chaudes et réelles, livre qui remet en valeur cet artiste aujourd’hui un peu éclipsé par l’aura de Raoul son aîné.